Le pommier

Le pommier

C’était un vieux, très vieux pommier… il avait donné des pommes blanches teintées de reflets jaunes pendant des années et des années. Enfants, je me souviens l’avoir vu étaler au loin ses branches. Il se dorait au soleil et s’étirait comme vacancier au soleil de l’été. Au printemps il se couvrait de fleurs que visitaient des escadrilles, non violentes, d’abeilles. J’imaginais le goût du nectar qu’elles prélevaient avec force et douceur et je souriais en regardant ces vols hasardeux et non punissables

Je l’avais perdu de vue pendant des années, trop occupé à ma vie lointaine. Revenu au nid pour le temps des tontes de jardin en relai de maman, j’avais vu que le vieux pommier souffrait.  Une plaie mal venue d’un souffle d’orage ou d’un rongeur égaré poursuivi par un matou en maraude avait sans doute ouvert une brèche dans son écorce. Un champignon ou une bactérie, sensible à d’autres beautés que moi, s’était installé et avait affaibli la ramure. Une graine de gui transportée, peut être par le vent, certainement par l’oiseau, s’était installée. Désormais attaqué de toutes part, le pommier croulait sous cet hôte avide de sève. L’ayant débarrassé de ce parasite à bonheur, je pensais avoir fait le principal acte de sauvetage. Hélas les dégâts étaient trop importants et en à peine deux années l’ensemble des branches de ce vieux pommier se dessécha.

J’arrivai ce matin-là, armé de courage et d’une tronçonneuse électrique, silence oblige. Tout en branchant l’engin de destruction au fil d’alimentation, je parcourrai le vieil arbre du regard. Le bois mort apparaissait entre des zones d’écorce restant attachées par miracle au liber sous-jacent. D’anciennes feuilles s’accrochaient encore à des brindilles tout aussi mortes. Plus loin le long de branches tordues, anciennement parasitées, de petites excroissances desséchées de gui confirmaient que la mort était définitivement installée. Tout en haut de l’arbre un nid d’oiseaux fait de branches de feuilles séchées et de poils d’animaux reposait encore sur un triptyque depuis longtemps dépourvu de vie.

J’allais trancher le pied de ce vieux pommier quand relevant une dernière fois la tête pour un adieu des yeux, je vis au milieu de ce squelette en bois, un miracle… une tige était née en ce printemps.

Elle se dressait vers le ciel, porteuse de fleurs et de petites feuilles. Je regardai avec plus d’attention cette incongruité… oui elle était bien là. Les fleurs avaient terminé leur rôle et leur nectar était déjà sans doute parti au loin, porté par des abeilles nouvellement nées. Les feuilles commençaient tout juste à s’ouvrir et se développer mais elles étaient là, vivantes et juvéniles.

D’où venait la sève qui ravitaillait cette branche vive parmi toutes les mortes ? je l’ignorais, sans doute un filet de liquide nourricier serpentant entre des fragments d’écorce.

Je restai quelques instants en admiration. La vie, simplement la vie, qui continue et refuse de renoncer…

Reposant l’outil de mort, je débranchai la chose puante d’huile filante.

Debout devant ce vieillard, j’attendis que mon cœur reprenne son rythme normal. Continue ta vie, vieux pommier, je reviendrai plus tard…

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