Jean-Pierre est mort…
Je l’avais retrouvé grâce à Internet… au début j’ai tâtonné, avec son nom et son prénom je suis tombé sur une tonne de gars qui s’appelait comme lui… alors j’ai affiné la demande… le nom du pays où il habitait quand on s’est connu quand on était au lycée ensemble dans les années 70, et puis, petit à petit je me suis rapproché de la solution…
Il était parti dans le sud, il habitait à côté de Nice, sans plus de précision tout près d’une de mes filles tout là-bas au bord de la Méditerranée. Je lui ai envoyé un message sur un réseau et il m’a répondu. C’est magique parfois internet… Comme c’était un amateur de bonne humeur, j’ai reçu ses bêtises qu’il diffusait allègrement chaque semaine sur une liste de diffusion à laquelle hélas je n’avais aucun accès possible… Je me suis dit à l’époque que je lui rendrais visite à l’occasion et j’en profiterais pour lui demander ses coordonnées plus précise…
Et puis la COVID est venue modifier notre vie…
Désormais débarrassé des soucis urgents des confinements et autres blocages, j’ai soudain réalisé que la diffusion des bêtises avait cessé, ce qui était compréhensible, mais était restée silencieuse par la suite, ce qui était anormal…
Un premier message m’indiqua que l’adresse mail était inexistante… je repris ma recherche mais sans résultat notable… en désespoir de cause, une idée absurde me vint… et s’il était mort ? non, impossible, Jean-Pierre est éternel… toutefois, j’utilisai les sites qui répertorient les décès et je posai la question…
Oui, parce que désormais, vous pouvez savoir qui est mort, quand, l’adresse où envoyer vos vœux, l’âge du capitaine bref, tout ce qui utile pour retrouver quelqu’un qu’il aurait été de bon ton de retrouver de son vivant !!
J’écris son nom et…. Mince il est mort… Jean-Pierre et mort… c’est fou, c’est impossible !!!
Je dois vous dire qu’il m’a appris plein de choses… on était à l’internat ensembles et question créativité en bêtises on s’entendait bien !! quand je dis bêtises, je dois préciser que c’était « gentillais ». Aucune trace de drogue, de viol, de vol, d’incendies, de mortiers de feu d’artifice et autres bêtises modernes non, juste des sorties par le dessus du mur d’enceinte du Lycée Victor Hugo (LVH pour les initiés !), des dragues de nanas pour les faire rire, des balades à la citadelle tout en haut, des traversées du Doubs debout sur la margelle des ponts au grand scandale des passants et quelques autres encore…
Ce qui m’a été le plus utile par la suite a été la descente des escaliers… Il m’a appris deux techniques : le saut par demi-étage et la descente sur les talons.
Le saut par demi-étage consiste tout simplement à sauter du palier de l’étage jusqu’au demi-palier en dessous, ainsi en 4, 6 ou 8 sauts rapides vous pouvez descendre 2,3 ou 4 étages, nous précédions ainsi pour aller petit-déjeuner le matin au réveil, notre dortoir se situant au dernier étage de l’aile centrale du LVH… j’ai rarement utilisé cette technique par la suite en raison de hanches peu résistantes aux chocs violents…
La descente sur les talons consiste à glisser sur l’extrémité des marches d’escalier avec l’arrière des talons. La vitesse que l’on peut atteindre est d’autant plus grande que les escaliers sont usés comme c’était le cas dans le lycée… je continue à utiliser cette technique de manière régulière. Jean Pierre y avait renoncé peu de temps avant la fin de nos études en raison d’une chute violente qui lui avait fait perdre connaissance juste avant la première journée du baccalauréat…
Nous avions aussi appris ensemble quelques accords de guitare nous permettant de massacrer gaiement les tubes du moment. Après une éclipse passagère, ils retrouvent de temps en temps quelque notoriété motivée par la pauvreté de la créativité ambiante, les écrans omniprésents et l’arrivée de l’intelligence désormais artificielle et transférée depuis nos cerveaux jusque sur des disques durs inertes…
Jean Pierre est mort, une douce mélancolie reste dans un coin de mon esprit et continuera à m’accompagner jusqu’à ce que nous retrouvions pour se boire une bonne bière de Munich… tiens ça me rappelle un souvenir cette histoire de bière de Munich…
Jean Pierre est mort, toujours désireux d’être premier partout…